
La consommation de livres est ralentie en France, Goodbook.fr fait le pari de rassembler tous les acteurs du livres sur une même plateforme digitale, afin de réinventer la stratégie du secteur, et l’adapter aux nouveaux usages.
Si l’on en croit les chiffres fournis par IPSOS dans une enquête commandée par le Centre National du Livre (CNL), le secteur a perdu de nombreux lecteurs en 2020 : près de 14% de Français n’ont lu aucun livre sur la période, et ils sont 25% à n’en avoir acheté aucun de neuf. Cette réalité ne traduit pas forcément un désintérêt de l’activité. Selon l’étude du CNL, 51% des sondés disent « manquer de temps » pour lire. Mais la perte d’un pan de lectorat est indéniable.
Contre toute attente, les librairies et maisons d’édition ou d’autoédition ont connu une période faste à partir de novembre 2020, après une année quasi-blanche. Alors que d’autres secteurs culturels s’effondraient, comme le cinéma (-69% de fréquentation) ou les spectacles vivants (-85% du chiffre d’affaires), les librairies et l’édition, elles, ont connu une perte d’activité beaucoup moins marquée : le Syndicat de la librairie française prévoit un recul de « seulement » 3,3% du chiffre d’affaires de 2020, par rapport à 2019. Le Syndicat national de l’édition table pour sa part sur une décroissance du secteur limitée entre -5% et 0%.
Aujourd’hui, de multiples acteurs se retrouvent sur le marché du Livre : auteurs, éditeurs, imprimeurs, libraires, bibliothécaires, critiques et lecteurs. Chacun joue un rôle différent dans la consommation du Livre, mais tous ont le même objectif : vendre des livres. L’organisation actuelle du secteur n’est pas forcément propice à un développement adapté notamment aux nouveaux usages, comme sur le support digital. Chaque acteur évolue en silo, de son côté, sans forcément communiquer avec les autres impliqués dans la conception et la distribution du livre. Jusqu’à maintenant, aucune plateforme n’est parvenue à rassembler auteurs, éditeurs, libraires et lecteurs. C’est le pari que s’est donné Goodbook.fr, une plateforme innovante, lancée sur le web le 15 mars.
Le rendez-vous digital des acteurs du Livre
Le défi est de taille, mais il a le mérite d’être relevé. La nouvelle plateforme littéraire sur le web se veut être un lieu de rencontre de tous les acteurs de Livre. Pour Laurent Cantin, chargé de développement, « il y avait avant tout un vrai besoin de digitalisation des acteurs du livre, qui se faisait de plus en plus pressant, et encore plus durant la pandémie ». L’objectif est alors double : accompagner ces acteurs dans la conception de leur vitrine digitale, mais aussi les réunir au sein d’une même plateforme, afin qu’ils puissent collaborer et se soutenir. « Dans les échanges qu’on peut avoir avec les acteurs, on remarque que même si effectivement ils avancent tous un peu en silo, ils ont quand même une volonté de s’orienter vers un élément commun, explique Laurent Cantin. On constate que certains acteurs se sont déjà regroupés sur différentes plateformes, mais cela se fait de manière très éclatée. Donc c’est assez compliqué pour le lecteur d’obtenir des recommandations visibles, et de l’autre côté de la chaîne, pour les éditeurs et les libraires, d’avoir une vitrine digitale qui soit conséquente. »
Le but de Goodbook est alors d’indexer tous les contenus qualifiés autour du livre. Sans vampiriser l’audience de ces acteurs, l’idée est surtout de leur créer des portes d’entrées supplémentaires pour interagir avec leur communauté et, en même temps, remonter auprès de chacun d’eux leurs productions de contenus respectives. « Les acteurs du Livre ont subi la digitalisation et ses usages. Forcément, ils n’étaient pas très ouverts à ce sujet-là. Mais finalement, leurs contenus sont mieux partagés par et pour les bonnes personnes », estime Laurent Cantin.
C’est le sentiment que partage Anthony Descaillot, un commercial de 42 ans, passionné de lecture et blogueur depuis de nombreuses années. Lui qui a déjà écrit plusieurs critiques publiées sur la plateforme Goodbook y voit dans un premier temps un intérêt personnel évident : « Pour moi qui suis blogueur littéraire, je me sers des autres blogueurs, j’y puise mon inspiration, et avec Goodbook, on se retrouve tous au même endroit. La plateforme complète en quelque sorte notre ‘travail’. Les lecteurs vont sur Goodbook, ils voient mes critiques et vont sur mon blog. Dans l’autre sens, je vais y découvrir des livres, des auteurs, d’autres blogueurs même, ce qui est très enrichissant ».
Plus globalement, il voit Goodbook comme un outil efficace à long terme. Tout l’univers du livre peut être réuni au même endroit, accessible en quelques clics. Ce qu’il déplore sur les autres plateformes, uniquement concentrées sur un aspect en particulier (les critiques, les éditeurs, les auteurs), Goodbook le gomme pour offrir un espace ouvert de partage autour du Livre. « Je considère que, dans le monde de la culture, on doit s’entraider, travailler ensemble et Goodbook participe pleinement à cet objectif », relève Anthony Descaillot.
Une vitrine digitale au service de la lecture
Comme les blogueurs, les auteurs peuvent eux aussi jouir d’une certaine visibilité sur Goodbook, et se rapprocher ou se faire contacter par des éditeurs. Si l’autoédition n’est pas encore au programme des prochaines fonctionnalités, la deuxième version du site compte bien dédier un espace à ces auto-éditeurs, de plus en plus nombreux. « À Goodbook, il y a de grosses discussions autour de l’autoédition, des auteurs et de leur place au sein de la plateforme. Je discute avec des maisons d’autoédition pour voir comment on peut envisager l’avenir ensemble. », confirme Laurent Cantin.
Pour Ophélie Beaufreton, responsable éditoriale de la maison d’autoédition Librinova, l’explication de la recrudescence d’auto-éditeurs est simple : « Avec la crise sanitaire actuelle, c’est certain qu’écrire est devenu une manière d’évacuer, de témoigner. On a constaté qu’on recevait beaucoup plus d’écrits, même des écrits courts, pendant ces périodes de confinements successifs. » Mais sachant que, pour 2 000 manuscrits écrits, un seul sera publié, beaucoup d’auteurs décident de se publier eux-mêmes, et Librinova les accompagne. Cette situation exceptionnelle pour le secteur malgré la période a également marqué Nicolas-Raphaël Fouque, des éditions d’Avallon : « Paradoxalement on n’a jamais eu autant de livres qui se publient depuis l’année dernière. Parce que l’autoédition se développe de plus en plus, que les livres numériques se consomment de plus en plus facilement. » Goodbook a justement été lancé pour satisfaire ces nouveaux usages, et offrir à chacun l’opportunité de faire valoir son travail.
Pour la petite maison d’édition indépendante et associative qu’est Les éditions d’Avallon, Goodbook représente une nouvelle opportunité de se faire connaître, de nouer des relations avec des auteurs, mais aussi avec des chroniqueurs. C’est aussi ça la mission de Goodbook : valoriser les acteurs traditionnels du Livre, offrir à ceux qui ne l’ont pas, et qui ne peuvent pas l’avoir, une présence digitale. Laurent Cantin précise d’ailleurs « qu’il n’y aura pas de lien sortant vers les grands sites marchands digitaux pure player. » Eux n’ont pas forcément besoin de migrer vers une solution digitale, ils l’ont même le plus souvent développé en interne. « C’est plus facile de faire venir un acteur qui a une présence digitale assez faible. », explique-t-il, l’objectif étant qu’à terme, les plus gros acteurs de la filière viennent aussi s’indexer sur la plateforme.
Et c’est cet esprit qui convainc également les petits éditeurs, le plus souvent en-dehors des grands réseaux et groupements nationaux : « Goodbook réunit des acteurs qui ont les mêmes valeurs que nous, c’est-à-dire qui privilégient la mise en avant du livre en lui-même, en tenant plus compte de son potentiel qualitatif que de sa portée commerciale », détaille Nicolas-Raphaël Fouque. Et la mise en relation avec les libraires tient une place de choix dans les nombreux avantages de Goodbook : « Pour nous, maison d’édition indépendante, de pouvoir mettre en avant nos auteurs devant autant d’acteurs du livre, c’est une vraie opportunité, et être en relation avec les librairies, c’est un maillon essentiel de la chaîne. » En effectuant ses passerelles digitales entre divers acteurs du livre, impossibles auparavant, Goodbook participe aussi à diversifier les contenus, et donc à une évolution du monde du Livre, encore trop cloisonné.
Encore toute jeune, la plateforme Goodbook doit encore alimenter sa base de données. « Les problématiques du digital et de travailler ensemble sont déjà là dans la plupart des institutions, explique Laurent Cantin. Il n’y a donc pas forcément besoin de les convaincre de rejoindre Goodbook. Il faut simplement leur en démontrer l’intérêt pour eux, et pour le monde du livre en général. » Accompagner du mieux possible les acteurs du livre sur le digital, défendre les acteurs traditionnels de la filière, valoriser le maillage territorial, engager un échange permanent entre eux, et renforcer le caractère unique du livre, sont les missions que se fixe Goodbook. « Finalement, l’ambition est de faire lire davantage et mieux », conclut Laurent Cantin.
Un article qui réconcilie les livres et le digital. Intéressant !
Sujet particulier ms intéressant: qd le dématérialiser vient servir la transversalité et le plus vieux support du monde, le livre.
Intéressant à voir ensuite après la crise si le projet perdure et essaime….