
A la suite du troisième confinement et de l’énième fermeture des galeries d’art, Olivier Masmonteil, artiste peintre, a décidé de passer à l’action. Au lieu de laisser les œuvres prendre la poussière dans les galeries, il a décidé de lancer l’opération : « Une œuvre à la maison ». Celle-ci vise à prêter des œuvres aux particuliers las de ne plus pouvoir contempler des créations artistiques.
L’idée est simple : il suffie de participer à un concours sur les réseaux sociaux afin d’obtenir le prêt d’une œuvre d’art pendant la durée du confinement. Depuis la création du compte Instagram « Une œuvre à la maison » par Olivier Masmonteil, tout le monde peut participer à un tirage au sort afin de remporter ce prêt. Bien évidemment, vous ne pouvez espérer contempler la Joconde depuis votre canapé : seules les œuvres se vendant à moins de 10 000 euros sont accessibles. Afin de pallier la restriction de 10 kilomètres de déplacement mise en place par le gouvernement, les galeries doivent obligatoirement se situer dans ce rayon par rapport à la maison qui va recevoir l’objet d’art.
L’idée reprend celle des artothèques qui permettent, grâce à un abonnement, d’obtenir le prêt d’œuvres durant plusieurs mois. Olivier Masmonteil, fan du concept, raconte sa réflexion : « L’opération est née du fait que nous sommes encore en confinement et que beaucoup de gens ont été privés de culture depuis 1 an. J’ai essayé de trouver le moyen de permettre à un maximum de personnes d’avoir accès à la culture. En y réfléchissant, je me suis dit qu’il fallait s’inspirer du modèle des artothèques, que j’aime beaucoup, en créant une version nationale géante. »
Au départ, une vingtaine d’artistes participaient à l’opération. Au bout d’une semaine, ils étaient au moins 150, en comptant des artistes individuels, des ateliers, des galeries, des centres d’art et des musées. Gaël Davrinche a lui pour l’instant prêté « deux œuvres dans deux lieux différents. Il y a une peinture, ‘Nocturne 40’, qui est prêtée par la galerie Vachet Delmas à côté de Nîmes, et l’autre est une huile sur papier prêtée dans une galerie lilloise : Provost-Haecker. » De nombreux artistes sont présents en Ile-de-France, et bien que Gaël ait aussi la possibilité de prêter ces œuvres à Paris, il a trouvé plus intéressant de confier ces œuvres hors région parisienne.
Qu’y gagnent les artistes ?
L’opération s’avère bénéfique pour les particuliers, mais n’apporte pas d’argent aux artistes. Olivier Masmonteil a tout de même réussi à obtenir l’aide d’un cabinet d’assurance spécialisé dans les œuvres d’art, qui a accepté d’assurer toutes les œuvres qui seraient déposées chez les gens. Mais en soit, les artistes font preuve d’un acte purement généreux : « C’est une façon de continuer à résister et à montrer la culture malgré les difficultés que le confinement apporte. En étant totalement honnête, cela fait parler des galeries avec lesquelles je travaille, cela fait circuler mon nom, cela fait donc parler de moi. Enfin cela permet à des gens qui n’avaient pas forcément les moyens d’acheter ces œuvres, d’en profiter pour un laps de temps défini. Tout est vertueux. »
Bien évidemment, les personnes qui participent à cette opération doivent être un minimum informées de l’actualité culturelle, puisque pour le moment, le projet n’est pas relayé au niveau national. Néanmoins, tout le monde peut tenter sa chance afin d’obtenir le prêt des œuvres. Comme tous les lieux et institutions culturelles, l’opération « Une œuvre à la maison » fait tout pour garder son public et montrer qu’elle ne l’abandonne pas. Le créateur du projet est plutôt content, et surtout « très surpris de l’ampleur que prend l’opération. C’est devenu viral assez rapidement car beaucoup d’artistes ont rapidement souhaité participer, s’étonne-t-il. Nous avons même dû embaucher une personne dédiée durant au moins un mois afin de gérer le flux. Les journalistes nous ont aussi beaucoup aidé parce qu’une bonne partie d’entre eux ont aimé le projet. »
Ce projet semble temporaire pour le moment, mais Gaël Davrinche n’est pas contre le fait de le pérenniser après la réouverture : « Il doit durer le temps de cet énième confinement. Mais, nous attendons toujours les dates d’arrêt de celui-ci. Cela pourrait être intéressant de continuer le projet même après le confinement, mais c’est au bon vouloir de chaque galerie. » En effet, cette opération, si elle devient permanente, permettrait une complémentarité aux galeries.
Olivier Masmonteil, est lui moins optimiste, et assure que ce projet est totalement éphémère car « cela prend énormément de temps, et cette idée est arrivée en réaction à toutes ces fermetures de lieux. A partir du moment où tout va rouvrir, cela sera plus intéressant de retourner dans les galeries et d’aller voir les expositions. » Si cette idée pouvait permettre la création de nouvelles artothèques en France, Olivier Masmonteil serait bien évidemment ravi : « Cela peut s’additionner aux galeries même quand elles rouvriront, mais à partir de ce moment, une personne devrait s’en occuper à temps complet. J’ai une autre activité par ailleurs et cette opération ne me permettrait plus de l’exercer. »
Pour le moment, cette opération n’a pas de but, et ne parait qu’éphémère. Prêter des œuvres plus importantes en taille et en valeur pourrait être risqué. Si un tableau mesure trois mètres de hauteur, il faut le transporter jusqu’au particulier, ce qui engage des frais de transport, sans l’abîmer, et en prévoyant que le particulier ait l’espace pour accueillir l’œuvre en question. Pour le moment, une vingtaine d’œuvres ont été prêtées, mais à l’avenir, on peut espérer que ce chiffre augmentera, et que même après le confinement, n’importe quelle personne habitant en France pourrait obtenir le prêt d’une œuvre provenant de n’importe quel musée.