Des fêtards devant un mur de son. © Emeric Le Port / Flickr

Les free-parties ou « teufs » comme on les appelles communément, sont méconnues en France, mais représentent une façon, plus libre, de construire un évènement musical. Pas de pauses, des basses et beaucoup de poussière qui forment une culture en marge du reste du monde de la nuit.

« Rave », le mot signifie à l’origine « délirer », « rêver ». Dans les années 60 en Angleterre, le terme est utilisé pour la première fois par des immigrants caribéens. Durant cette décennie, le terme se réfère à des groupes de garage rock et de rock psychédélique. Le groupe britannique The Yardbirds pousse ce style à l’extrême dans son album Having a rave Up, où l’on retrouve Eric Clapton à la guitare sur la face B.

Le terme de rave comme musique se voulant plus posée, « planante », tombe en désuétude jusque dans les années 80 et au mandat de première Ministre de Margareth Thatcher. Cette dernière interdit aux clubs anglais de rester ouvert après 2h du matin. Les fêtards britanniques voulant continuer la fête se réfugient clandestinement dans des « Warehouses parties », soirées de hangar en français. Les entrepôts choisis étaient désaffectés, victimes de la désindustrialisation britannique.

Vers la fin des années 80 et le début des années 90, le terme de rave party se mêle à celui de free party. Les soirées sont libres d’accès, aucune participation financière n’est requise, ou bien en donation libre.

La scène des rave parties se développe en Europe du Nord, en particulier entre Angleterre, Allemagne et Hollande. En France, les free parties, également appelées « teufs », arrivent avec le Teknival, en 1993 à Beauvais. L’interdiction par les pouvoirs publics de ce type d’évènement amène ces raves à se dérouler en milieu rural. Par la suite, le mouvement des raves se démocratise sans toutefois être accepté par la loi.

La Bass music à l’honneur

Les collectifs diffusant cette musique sont des sounds system. On y retrouve tous les individus nécessaires au bon déroulement de la free party. « Dans un sound system, il faut de tout, du matériel, déjà. Ensuite des techniciens son, des gens qui peuvent conduire un camion, des passionnés, des musiciens et des débrouillards toujours prêts à aider », explique Jack, organisateur de raves autour de Lyon. La musique est électronique et composée de beaucoup de basses. « On peut passer par tous les styles de musique pendant une rave, de la techno, de la minimaliste, de la drum and bass ou encore de la hardcore », explique Droflam, DJ francilien ayant déjà pris part à des free parties.

« La musique est une histoire de tension, on la fait monter avant de la relâcher, quelque soit le style. Dans les teufs, nous avons le temps de faire monter cette tension et de la faire redescendre, du fait de la durée des raves », continue Droflam. En effet ces fêtes se déroulent sur plusieurs jours, souvent du vendredi soir au dimanche dans l’après-midi. La musique a le temps de varier d’un style à l’autre dans le week-end. « Les styles varient mais la musique reste très répétitive et planante, en restant une heure devant les caissons de basses, on a l’impression que le même morceau est diffusé en boucle. Mais si on tend l’oreille, on remarque vite les variations qui font que personne ne s’ennuie. Pour les néophytes c’est assez dur à saisir car les basses à haut volume donnent cette impression d’agressivité permanente, mais en réalité c’est assez posé comme ambiance », explique William, également organisateur et fêtard depuis cinq ans maintenant. « En milieu de soirée, ou le samedi soir, les sons sont plus agressifs, les tempos s’accélèrent. On passe sur de la hardcore ou de la frenchcore, à partir de là on se défoule vraiment pendant quelques heures avant que la musique ne se calme aux environs de cinq ou six heures du matin. »

Danser et se défouler loin du regard des autres

Se défouler reste une composante essentielle de la teuf. Les fêtards viennent pour faire redescendre le stress ou simplement pour danser sur leur musique préférée. « Je n’écoute presque que de la techno. Les raves c’est le seul endroit où je peux danser comme je l’entends aussi longtemps que je le souhaite », explique Laura, une participante francilienne. « En rave, personne ne va vous calmer comme en boîte de nuit, il y a de la place puisqu’on est en extérieur donc on ne se marche pas les uns sur les autres sans que cela soit voulu. » Chacun à la place de danser et peut le faire aussi longtemps qu’il souhaite, sans jamais souffrir du regard des autres.

« Ici, ce n’est pas une boîte de nuit, personne ne regarde avec quelle fille ou quelles chaussures vous venez, alors quand les gens dansent, personne ne se soucie de juger la danse des autres. Chacun gesticule à sa façon et c’est parfait comme ça. Les gens bougent dans tous les sens parce qu’ils sont libres de faire comme ils veulent. », souligne William. « Moi je passe mes sons, si les gens dansent ça me va, peu importe leur style, je leur donne du plaisir. Voir les gens s’agiter et gesticuler, c’est tout ce qui compte pour un DJ de rave. », reprend Droflam.

Des danses sans jugement, mais avec une composante à ne pas oublier : le terrain. « Il y a des free-parties toute l’année, même l’hiver. Et l’hiver dans la forêt et les champs, il y a de la boue, parfois c’est presque difficile de danser mais, avec un peu de volonté, on peut y arriver ! », ajoute Laura. « L’été c’est la poussière, d’ailleurs quand on danse on dit souvent que l’on va soulever la poussière. », note-t-elle.

Les fêtes durent longtemps, plusieurs jours. Pendant ce temps, le public dort, mange ou discute juste entre amis. « Il ne faut pas laisser tout le monde quitter le mur de son, mais il ne faut pas non plus essayer de les retenir à tout prix. », explique Droflam. Le public doit dormir et doit se reposer et manger. Les DJ doivent s’adapter à ces diffusions longues et des horaires de programmation différents des créneaux habituels du monde de la nuit. « Quand je mixe à midi, j’essaye de créer une ambiance calme, la majeure partie des gens est endormie, les autres se réveillent doucement ou songent à aller faire un somme, c’est le moment d’installer une ambiance calme, où les gens rechargent leur batteries pour le créneau suivant », raconte Droflam. Les DJ doivent donc gérer les temps creux différemment d’un concert traditionnel pour ne pas voir leur public mourir d’épuisement au bout de douze heures.

« On a beau se gérer nous-mêmes, quand on danse, on se fatigue, et en rave on ne récupère pas beaucoup, l’alcool et les drogues que certains prennent n’aident pas à dormir. Quand je rentre de teuf le dimanche je suis morte de fatigue », conclut Laura. Il y a certes des temps plus calmes pendant une rave, mais prévoir un lundi entier de repos est une nécessité pour les fêtards du week-end.

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