Les casques de réalité virtuelle tendent à se démocratiser et la crise sanitaire a poussé plusieurs entreprises à y avoir recours. © Pixabay

Alors que les prix de certains casques de réalité virtuelle (VR pour virtual reality) deviennent accessibles, cette technologie n’a jamais trouvé un écho aussi fort qu’aujourd’hui. Les musées proposent des visites virtuelles, tandis que certains artistes y ont recours pour créer des œuvres numériques.

« On ne peut plus sortir de chez nous mais je reviens chaque jour d’un nouveau continent », s’amuse Romain, âgé d’une vingtaine d’années. Avec son casque de réalité virtuelle (VR) connecté à son ordinateur fixe, il s’entraîne à piloter des avions de ligne, de chasse et parfois même le Concorde. « Je n’ai jamais souhaité être pilote, mais qui n’a pas rêvé de voler ? », se questionne cet étudiant en cinéma, qui ne se lasse pas des sensations créées par la réalité virtuelle. Dans la période actuelle, le ressenti de l’expression est d’autant plus appréciable…

Si la réalité virtuelle sonne parfois encore comme une technologie de science-fiction, elle s’intègre désormais à tous les domaines professionnels. De nombreuses entreprises font appel à des sociétés spécialisées pour obtenir des créations visibles uniquement grâce à des casques de réalité virtuelle. Egalement appelés visiocasques ou encore masques, ces appareils plongent ceux qui les portent dans un univers numérique totalement virtuel. Equipés d’écouteurs et d’un écran en cristaux liquides, ces casques donnent l’impression d’être dans un autre monde, perturbant au passage les sens de l’utilisateur grâce à des capteurs anticipant les mouvements. Si quelques masques virtuels peuvent fonctionner indépendamment d’une console centrale ou d’un ordinateur, d’autres ne sont que des supports pour smartphone. Ainsi, Google possède le Carboard, qui permet aux téléphones compatibles de se transformer en casques VR aux fonctionnalités réduites. En effet, ces supports permettent à l’écran du smartphone de recréer l’effet tridimensionnel.

Initialement, cette technologie a été pensée pour les jeux vidéo et autres simulateurs. Conduire une monoplace de Formule 1 avec des sensations proches de la réalité était déjà possible grâce à des sièges de simulation, mais le rendu est plus impressionnant avec un casque. Lors du Salon de l’Automobile 2018, plusieurs stands proposaient de visiter des voitures grâce à un casque VR. De manière générale, ce sont les jeux vidéo qui ont permis de faire découvrir cette innovation, avant de la diversifier vers d’autres secteurs d’activité. Les médecins l’expérimentent également pour éliminer certaines phobies chez des patients – là où seule l’hypnose pouvait montrer des résultats – les architectes l’utilisent pour mieux visualiser des projets de construction, tandis que les historiens s’allient avec des studios tels qu’Ubisoft pour donner vie à des périodes lointaines. C’est par exemple ce qu’a fait la réalisatrice Camille Duvelleroy, qui a pu, grâce à la réalité virtuelle, se mettre dans la peau d’une femme du paléolithique.

La réalité virtuelle favorisée par la crise sanitaire

« On ne remarque pas une forte augmentation des commandes de VR, mais il y a un clair regain d’intérêt », explique l’agence digitale Arhkam Studio, spécialisée dans les créations en réalité virtuelle et augmentée. Avec l’instauration du télétravail et la recherche d’innovation, les entreprises se sont tournées vers le digital, « mais sans forcément avoir recours à la VR. » Les studios constatent notamment un essor de la demande pour les évènements de formation. Arhkam Studio a ainsi réalisé des programmes de réalité virtuelle permettant à des coiffeurs de faire un séminaire sur l’hygiène, casque vissé sur la tête. « Une vidéo en 360° était diffusée, dans laquelle les clients devaient répondre à des questions interactives », détaille l’agence, qui travaille également sur un simulateur avec l’Armée de l’Air.

S’il est un autre milieu qui a dû se réinventer, c’est bien celui des arts, amputé par la fermeture des espaces dédiés. Au Japon, le musée Ghibli a par exemple proposé de visiter la quasi-totalité de ses pièces, de façon autonome grâce à la réalité virtuelle. Depuis chez soi, chacun peut s’y rendre virtuellement et profiter des œuvres du studio éponyme. « La crise a obligé les institutions à accélérer l’accès à leur contenu via des plateformes numériques », explique Charles Ayats, co-auteur de Le Cri VR, une œuvre en réalité virtuelle dans laquelle le célèbre tableau d’Edouard Munch prend vie, permettant « un ressenti sensible des émotions du peintre envers sa création. » Le potentiel est donc énorme. « C’est un outil puissant qui fait écho à nos sensations » définit le réalisateur, pour qui le casque créé « une certaine forme d’intimité. » Mais comme le rappelle la créatrice Pauline Dufour, rien ne remplace la réalité : « Il faut faire un bon usage de la VR, dans le cas contraire il peut devenir un outil invasif. »

Bien qu’elle soit désormais connue de tous, la réalité virtuelle touche encore un public restreint. Difficile alors pour les lieux culturels d’utiliser massivement cette technologie. « Les lieux culturels sont friands de VR mais davantage comme accompagnant lors d’expositions ou d’évènement dédiés », constate Charles Ayats. Ce nouvel outil technologique sert généralement de complément, ou même de mise en bouche pour quelque chose de physique, telle qu’une exposition. Malgré cela, de plus en plus de créateurs tricolores – encouragés par le département numérique de l’Institut français – se lancent dans des projets de qualité sans le soutien d’une exposition en particulier. « Le trouble cognitif que cela permet est une matière incroyable pour des créateurs », détaille Charles Ayats.

Un outil qui se veut accessible

« On est au début de la réalité virtuelle, juge Pauline Dufour. On en parle de plus en plus car elle fait écho à nos vies, qui sont tournées vers le virtuel. » Elle a réalisé l’œuvre Jungle Fever, qui immerge les spectateurs dans une forêt bleue virtuelle. Une création des plus particulières puisqu’elle a été faite avec l’outil Tiltbrush, qui permet de dessiner avec un casque VR sur la tête. « Il me plonge dans un univers en trois dimensions, dans lequel je peux agrandir mon dessin et le voir sous différents angles », raconte cette artiste, qui reconnaît utiliser un carnet et un crayon classiques avant de se plonger dans le dessin virtuel. En expérimentant cette technologie, Pauline Dufour « interroge un outil en plein développement », qui propose sans cesse de nouvelles possibilités.

En période de confinement, la réalité virtuelle est le seul moyen pour les musées de toucher un public. Encore faudrait-il que celui-ci puisse y avoir accès. Si quelques casques sont en vente pour une somme similaire à celle des principales consoles de jeu (entre 400 et 500€), les prix des plus technologiques atteignent aisément 1000€. « En octobre dernier, la sortie du casque Quest 2 a démocratisé la réalité virtuelle auprès des consommateurs », affirme Immersive Display, boutique spécialisée dans la vente de pièces et accessoires pour la réalité virtuelle. Ce casque VR est vendu pour 350€, ne nécessite aucun ordinateur pour fonctionner et « intègre tous les composants pour une parfaite autonomie de fonctionnement », selon le magasin. Le studio Arhkam rappelle de son côté que « la réalité augmentée se réinvente régulièrement, car les technologies évoluent. » Une évolution qui abaisse le prix des anciennes technologies, participant ainsi à leur démocratisation. « C’est un loisir désormais accessible à tous », juge à titre personnel Nathan Chadaigne, directeur commercial chez Immersive Display. Si l’entrée de gamme d’un casque coûte le même prix qu’une Playstation 4, tout le monde n’a pourtant pas 350€ à dépenser.

La réalité virtuelle propose l’art et la culture sous un nouveau prisme, promettant une immersion totale. « La High-Tech permet à la culture de toucher un public plus jeune », estime Nathan Chadaigne, qui a pour client le théâtre antique d’Orange (dans le Vaucluse). Ce dernier propose à ses visiteurs – lorsqu’il peut en avoir – d’utiliser un casque VR pour découvrir en trois dimensions la construction du monument. « La VR est pleine d’avenir, elle permet d’accéder à des expériences extraordinaires avec un engagement total du corps », détaille Charles Ayats. Si bien qu’aujourd’hui, des appareils, tel que le Nosulus Rift, sont développés afin de pouvoir sentir certaines odeurs recrées artificiellement. On n’arrête pas le progrès.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici