Sébastien Doubinsky est écrivain de romans dystopiques, poète et enseignant @ Couverture de l'essai Lire, écrire, se révolter

Parmi les passionnés de fiction, Sébastien Doubinsky est entre autres écrivain de romans dystopiques, poète et enseignant. Sans céder au cynisme, l’auteur aux convictions inébranlables n’hésite pas à souligner les limites et travers de ce qui l’entoure, à commencer par la littérature.

Lire, Écrire, Se Révolter, c’est le titre de l’essai incisif de Sébastien Doubinsky, qui tente d’appréhender les liens complexes qui unissent ces trois activités. L’écrivain est traducteur, poète, éditeur, enseignant et fondateur des éditions du Zaporogue. Composant aussi bien en français qu’en anglais, il a notamment été publié chez Actes Sud, Le Cherche Midi et Joëlle Losfeld.  Expatrié au Danemark depuis 13 ans, Sébastien vient de sortir son livre Fragments of a revolution, relatant une révolution imaginaire au Mexique, basée sur des faits réels. Pour l’écrivain, « la littérature, les arts et la musique sont la preuve que les échanges inter ou intra-culturels enrichissent l’Homme et la société. »

La dystopie est un genre fictionnel qui dépeint une société en péril, ayant subi un événement radical et dramatique. Entre catastrophisme et clairvoyance, la fiction dystopique est aujourd’hui plus que jamais au cœur de l’art. Sébastien avait déjà écrit un roman dystopique, Absinthe, qui traite d’une apocalypse ratée, avec des épisodes sur des maladies fulgurantes. « Comme j’écris des romans dystopiques, ça tombe bien, ça a plutôt confirmé ma manière de travailler. La nouveauté avec le Covid, c’est qu’il y a tellement d’inspiration chaque jour et surtout, la réalité dépasse la fiction. », raconte l’écrivain.

Lui qui est aussi poète ne partage pas l’idée selon laquelle la poésie serait salvatrice en période de pandémie. « Je suis poète moi-même, je publie beaucoup mais je ne crois absolument pas au pouvoir magique de la poésie, ce n’est pas son rôle », affirme l’auteur, pour qui la poésie a le même rôle que Netflix, à savoir de distraire, d’inspirer, comme toute forme de fiction. « Comme avec Rimbaud, on continue à romantiser la poésie, ce qui continue à jouer contre elle-même. Quand j’écris des poèmes, je ne fais pas ça pour changer le monde mais pour l’accompagner », explique Sébastien.

Le compromis du numérique

Pour les acteurs du livre, la question du numérique se pose déjà depuis quelques années avec la démocratisation des livres numériques. 12 millions de Français affirment avoir déjà lu un ebook. Sur les deux premières semaines du premier confinement, la librairie Kobo, du groupe japonais Rakuten, indiquait même une progression de l’ordre de 200 % à 300 % des volumes de lecture de livres numériques en France. Sébastien Doubinsky est mitigé sur le sujet : « Les  ebooks sont très importants, ils permettent à de nombreux écrivains de s’auto-éditer et aux petites maisons de survivre sans coût papier. D’un côté je déteste Amazon, Google et tous les géants du web qui sont en situation de monopole absolu et d’écrasement des différences culturelles par l’argent. De l’autre côté je vois que l’on peut utiliser certaines de ces structures pour lutter contre ces monstres. »

Mais force est de constater que les acteurs du livre ont de plus en plus besoin de se digitaliser pour survivre, en tout cas à 80% selon l’écrivain. L’auteur dénonce tout de même de gros problèmes dans le monde de l’édition : « Gallimard, La Martinière et d’autres possèdent les réseaux de distribution et ne vont pas baisser les prix des éditions digitales puisque la distribution papier représente 40% du prix du livre. La réalité de l’édition est dure mais pour les petites et moyennes structures, le digital est très important. » Sébastien estime également que le papier ne fonctionne que pour les petites éditions limitées, puisque « les stocks et les coûts d’impression sont énormes. » Il reconnaît que, dans une large mesure, « l’électronique permet de maintenir la culture et la contre-culture à flot. »

Une culture délaissée et dichotomisée

Pour l’écrivain, la culture est délaissée depuis bien trop longtemps, précisant qu’il faut se « méfier de ce dont on parle parce que tout est culture. » Aujourd’hui, le problème qui se pose selon lui est celui du mainstream, de la culture commerciale qui a écrasé tout le reste depuis la chute du mur de Berlin. L’écrivain explique : « Avant, l’Occident avait besoin de se présenter comme un monde culturellement diversifié par rapport au bloc communiste, mais à sa disparition, on n’a plus eu besoin de voix originales. Le besoin est devenu financier, ainsi est apparue la culture du best-seller. » On commence à parler de best-seller dès qu’un titre dépasse quelques milliers de ventes, 5 000 en moyenne. En partie à cause de la mise en marché, un best-seller peut être perçu négativement, particulièrement en fiction, quand il est vu comme un ouvrage pour le grand public.

Plus grave encore, l’aspect lucratif de la culture a participé à creuser des écarts. « On a toujours un monde de culture mais qui est de plus en plus dichotomisé, à l’image de la société : la culture pour les riches et la culture pour les pauvres. Pas seulement en valeur réelle mais en valeur symbolique. », affirme Sébastien Doubinsky. La valeur symbolique, c’est toute la question de l’école, des classiques. Selon Sébastien, en matière de littérature, « il y a des grands écrivains qui perdurent et sont devenus des fonctions normatives auxquelles toute la littérature devrait ressembler. Il y a clairement une réduction du paysage. Et la majorité accepte ce modèle puisqu’il est dominant. » Une œuvre littéraire classique est forcément d’une grande notoriété, qui sert de référence : le mot classique renvoie au classicisme du XVIIème siècle, à des textes considérés comme officiels et pompeux. Pour l’enseignant c’est simple : « Si on ne connaît pas Racine en France, on ne connaît rien et on n’a pas le droit de s’exprimer. » Il en est de même au Danemark où il faut avoir lu les grands écrivains danois pour être légitime.

Sebastien Doubinsky s’est expatrié au Danemark il y a 13 ans, d’abord parce que sa femme est danoise, mais il explique que c’était aussi un choix politique, étant agacé du système français. Il enseigne désormais au Danemark, pays réputé pour son éducation : « La différence fondamentale entre les deux pays est clairement sur l’école. On peut critiquer le Danemark sur plein de points mais son système éducatif est énormément centré sur le développement de l’enfant. » L’enseignement de l’empathie aux écoliers danois est révélateur d’une culture où la coopération entre les individus est plus que valorisée. Un modèle à suivre dans une époque où l’échange ne semble plus être privilégié.

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