À cause de la pandémie, le plus grand cirque au monde, le Cirque du Soleil, a dû licencier 95% de ses effectifs. © Flickr

Des spectacles annulés ou reportés aux prochaines années font désormais partie du quotidien du monde du cirque. L’interdiction de donner des représentations prive presque totalement les artistes de leur activité principale.

Les marques sont dures à trouver pour les circassiens, du modèle économique aux entraînements des artistes. Déjà le 15 mars 2020, la totalité du monde du cirque se mettait à l’arrêt total du fait des mesures de confinement prises par le gouvernement. Le 15 mai, après deux mois d’inactivité totale, les troupes ont repris leur activité comme si de rien n’était ou presque. Moins de places à vendre, moins de public à faire rentrer sous le chapiteau et moins d’acheteurs pour les spectacles.

Claire Darbois, promotrice de spectacles vivants, en particulier dans le domaine du cirque, explique : « Les financements viennent en grande partie de l’État. Pour certaines troupes, le ministère de la Culture finance, ou bien les collectivités territoriales pour les groupes un peu plus petits, ou qui font moins d’entrées. » Heureusement, pour ces troupes, les financements publics ont pu être maintenus, bien que réduits.

« Pour les promoteurs, la situation est extrêmement difficile. Nous avons moins d’argent pour mettre en place des spectacles et en même temps nous avons moins de revenus en fin de chaîne puisque les spectacles ne dégagent plus de bénéfices. Je paye moins des artistes qui ne rapportent plus, mais on ne va pas les laisser mourir de faim. », reprend Claire. Une entraide très présente dans un milieu qui n’a rien d’autre que la solidarité et l’empathie pour parvenir à subsister.

Si la crise a débuté en mars, elle a pris toute son ampleur en novembre dernier, alors que le premier Ministre annonçait un second confinement. « Nous avions repris en mai mais les mesures de novembre nous ont remis un coup d’arrêt. Or, rien n’a changé depuis, c’est comme si nous étions confinés depuis cinq mois. » Un arrêt pénible pour 2021 qui devrait se prolonger jusqu’au début de l’année 2022 : « J’avais un spectacle pour 2021, j’ai déjà dû le reporter à la fin de l’année, voire sur mon calendrier 2022 ou 2023. » Une prévision à trop long terme, les acheteurs de spectacles circassiens refusant d’investir sur une aussi longue durée, tant le risque est grand dans le contexte sanitaire actuel.

Des artistes en mal de public

Cependant, pour les artistes, tout n’est pas terminé. Certes, les spectacles sous chapiteau ne sont plus programmés, mais le spectacle de rue reste encore d’actualité. Pour les troupes les plus chanceuses, les représentations se font dans des espaces en plein air, seul endroit où le public peut observer les différents numéros tout en respectant les mesures barrières, à l’inverse d’une représentation donnée sous un chapiteau.

Pour Emma Koproszczinski, jongleuse de rue à Lyon, le cirque en extérieur représente un retour aux origines de ce métier. « Il y a mille ans, nous n’étions que des saltimbanques payés au chapeau et allions de foire en foire. Aujourd’hui il nous faut retrouver la rue pour espérer survivre. », note-t-elle.

Un retour au spectacle urbain qui ravit les passants qui avaient perdu l’habitude de regarder ces artistes. « Les gens avant la pandémie avaient l’air de ne pas se soucier de nous, les parents entraînaient leurs enfants quand ils s’arrêtaient pour nous voir. Maintenant, c’est l’inverse. » Une inversion des rôles qui n’est pas pour déplaire à Emma, bien qu’elle ne soit pas professionnelle, elle admet que la deuxième partie de 2020 était plus agréable que le début, surtout avec le confinement qui l’a empêchée de se représenter pendant deux mois pleins.

« Nous remettons le sourire sur les visages des gens et aujourd’hui c’est plus important que jamais, même si nous ne sommes pas aussi essentiels que les médecins ou les supermarchés », juge Emma. La culture vue comme essentielle pour contrer la déprime, un argument qui a du mal à passer devant le gouvernement qui insiste pour interdire tous les rassemblements culturels du pays afin de ne pas propager l’épidémie.

Du côté des artistes se produisant exclusivement sous chapiteau, le constat est nettement plus amer. La pandémie a stoppé leur activité pendant une année entière. Et bien que les artistes puissent s’entraîner depuis mai, les représentations manquent. Selon Julie Pazetti, trapéziste, « jouer devant un public représente le cœur de notre profession, c’est ce qui me donne le plus de joie au monde même si j’apprécie le travail seule avec le trapèze. »

« Sans la possibilité d’être devant les gens, c’est une pression qui s’en va, mais ce n’est pas pour le mieux. Le trac nous aide à ne pas prendre nos spectacles à la légère et à rester humains.», souligne Julie Pazetti. Une difficulté en moins : celle de la peur du public. Mais une crainte supplémentaire, c’est de mal gérer le retour du public : « Nous ne sommes pas près de reprendre les représentations, mais j’ai déjà le trac de reprendre, comme si c’était la première fois que je faisais mon numéro. »

Tous les cirques impactés, des plus petites structures aux plus grandes

Toutes les structures ont été frappées par les effets de la pandémie, face auxquels nul n’est immunisé. Il en va de même pour le plus grand cirque du monde, le Cirque du Soleil, qui totalisait un revenu de 950 millions de dollars en 2019, et presque autant de perte sèche en 2020.

En mars dernier, le cirque avait mis au chômage technique 4500 techniciens et acrobates, dont 3500 seront licenciés en juillet dernier. Pour les artistes restants, soit 427 acrobates, le cirque a annoncé ne plus pouvoir payer les salaires. Et bien que la compagnie québécoise ait promis de réemployer les salariés renvoyés, encore faudrait-il voir les chiffres remonter et la situation s’améliorer. Le Cirque du Soleil compte aujourd’hui 95% d’effectifs en moins à travers le monde.

En mars 2021, le groupe a annoncé mettre 5 millions de dollars à répartir entre les 427 salariés impayés. Le Cirque du Soleil a confirmé : « Nous sommes heureux que les artisanes et artisans indépendants puissent enfin être payés grâce au fonds dédié mis sur pied par nos nouveaux propriétaires. » Des actionnaires qui reprennent le rôle laissé par Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil en 1984, propriétaire jusqu’au début de l’année 2020 et forcé de revendre ses parts pour lutter contre l’endettement de la compagnie.

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