Le palais de la Porte Dorée © Fred Romero / Flickr

Pap Ndiaye, 55 ans, a remplacé le 1er mars Hélène Orain, à la tête du Palais de la Porte Dorée. Cette institution publique comprend le Musée national de l’histoire de l’immigration et l’Aquarium tropical, à l’Est de la capitale. L’historien français, spécialiste d’histoire sociale des Etats-Unis et des minorités, sait que sa nomination est un symbole pour les jeunes issus de l’immigration.

Plusieurs ouvrages sur les minorités noires en France et aux Etats-Unis, et un rapport portant sur la diversité à l’Opéra de Paris qui a fait du bruit. C’est ce qui définit le nouveau directeur général du Musée de l’histoire de l’immigration, évidemment très porté sur le sujet. Passé par l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire, Pap Ndiaye est détenteur d’un doctorat de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Yvan Gastaut, historien spécialisé de l’immigration en France et maître de conférences à l’université de Nice, corrobore ces propos et assure que Pap Ndiaye va « changer la donne.» « C’est aussi un chercheur, donc il est plus proche d’éléments liés à la recherche, liés au fond. Bien qu’il ne soit pas totalement spécialisé sur les questions de l’immigration en France, il connaît tout de même le domaine et travaille sur un sujet qui s’en rapproche fortement. » Son passé, et même son présent, puisqu’il est actuellement professeur à Sciences Po, étaient destinés à ce musée de l’histoire de l’immigration.

La personnalité du directeur joue énormément sur le fonctionnement du musée et sur ces priorités. Yvan Gastaut, étant historien, voit d’un bon œil ce changement à la tête du musée : « Il a sans doute une meilleure capacité à comprendre la place des chercheurs dans l’institution, qui ont un rôle important pour un musée d’histoire. »

De surcroît, Pap Ndiaye aura de nombreuses missions à réaliser afin d’améliorer encore davantage ce musée de l’immigration. Bien évidemment, avant même qu’il ne soit arrivé, des mises en places avaient été effectuées face à la pandémie de Covid-19. Même durant les confinements, l’équipe du palais est restée active, en mettant en place des moyens pour accueillir les visiteurs malgré la distanciation physique entre les personnes. Benjamin Béchaux, directeur du développement, des publics et de la communication, explique que l’équipe a aussi pu travailler sur la communication sur internet, pour donner envie aux visiteurs de venir dès que le musée pourra accueillir du public : « Tout est mis en place, il ne manque que le public. » Des visites virtuelles sont aussi organisées pour garder un contact avec les visiteurs.

De son côté, Pap Ndiaye aura à cœur de rendre des sujets sensibles comme les minorités et le colonialisme moins délicats. Benjamin Béchaux explique que son but est de « refroidir les sujets sensibles, sans pour autant les rendre inintéressants. Par pur hasard, nous sommes le lien entre deux sujets chauds sur lesquels les jeunes se mobilisent aujourd’hui : les questions de racisme, et donc des minorités et du colonialisme, auxquelles le monument et le musée répondent, et ensuite la question environnementale. L’Aquarium tropical est totalement inscrit dans des problématiques de préservation des espèces marines. »

La question du jeune public fait aussi partie de ses priorités. Benjamin Béchaux assure qu’« il est au cœur de [leurs] réflexions et n’est pas traité comme un visiteur de second rang. » Yvan Gastaut renforce les propos du directeur du développement : « Il y a beaucoup de classes qui passent par le musée, qui viennent aussi bien pour visiter l’aquarium que le musée. Il faut développer cette dimension. Cela fait partie de ses missions que d’avoir à orienter le musée vers la dimension pédagogique.» Le but des rénovations est aussi de faire de l’histoire de l’immigration une partie prenante du récit national. L’ancien directeur de communication de la ville de Lille le rappelle : « Historiquement, la France est une nation qui s’est construite avec une partie de sa population qui venait d’ailleurs. »

Des expos plus ciblées sur la colonisation

Depuis 1 mois et jusque fin août, une exposition d’art contemporain a déjà été ouverte dans le cadre de la saison Africa2020. Né d’un père sénégalais et d’une mère française, Pap Ndiaye arrive donc comme un symbole, qui plus est au moment de cette exposition. Il est déjà l’auteur de quatre livres sur les minorités noires en France et aux Etats-Unis, il vient donc renforcer la prise de position des membres du palais qui est de rajouter une couche supplémentaire dans la compréhension de l’histoire de l’immigration depuis le musée des colonies en 1931. Car c’est à l’occasion de l’exposition coloniale internationale de 1931 qu’il se fait nommer ainsi. Mais pour arriver au musée de l’histoire de l’immigration, le combat n’a pas été simple. Le musée a connu énormément d’appellations : « musée des Colonies et de la France extérieure » en 1932, « musée de la France d’outre-mer » en 1935, « musée des Arts africains et océaniens » en 1960 et « musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie » de 1990 à 2003. 

Il a donc fallu ajouter à l’ancienne fierté française de la colonisation, une compréhension plus globale, et objective de cette partie de l’histoire. A la réouverture du musée, le parcours permanent, alors en travaux, ne sera pas encore ouvert. Quand cela sera le cas, celui-ci contribuera parfaitement à l’évolution que prend le musée, puisque « la question de l’esclavage sera intégrée, ainsi que celle des migrations faites dès le 17ème siècle à nos jours, et aussi celles en Afrique du Nord, précise Benjamin Béchaux. Il vient apporter toutes ces connaissances et son exigence pour que toute cette période soit la plus complète possible. »

Le but de Pap Ndiaye est donc de préciser le thème de l’immigration, de le rendre encore plus compréhensible, d’éclairer la période du colonialisme dans l’entre-deux guerres. Le sujet de l’immigration intéresse de plus en plus de personnes, et touche aussi plus de personnes. En 2017, 185 827 personnes ont visité le musée de l’Histoire de l’immigration, et à sa réouverture, les membres du palais de la Porte Dorée tenteront d’améliorer ces chiffres, et le retour du parcours permanent permettra cette amélioration. 

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