Avec la crise sanitaire, le spectacle de rue est le seul moyen de se produire pour certains artistes ©Candid_shots / Pixabay

Le spectacle de rue, loin d’être un phénomène nouveau, a pris une nouvelle envergure à la suite de la pandémie mondiale de COVID-19. La fermeture des théâtres et des salles de spectacle a forcé les comédiens à se tourner ou à se retourner vers la rue et l’espace public, où ces derniers sont assurés de pouvoir jouer librement.

Réinvestir la rue pour pouvoir continuer de jouer. Dans de nombreuses villes françaises, comme à Avignon la semaine dernière, des artistes déposent un droit de manifester pour pouvoir exercer massivement leurs arts dans la rue. Une passion pour certains et une découverte pour d’autres. « Au départ je jouais dans la rue, puis avec des amis nous avons formé une troupe de théâtre. Nous avons joué en salle pendant près de cinq ans mais, aujourd’hui, je suis obligé de retourner dans la rue pour pouvoir travailler. C’est en même temps agaçant et très excitant », explique Hugo, comédien de 25 ans. En effet, ce dernier a appris son métier sans réelle formation : « J’ai fait du théâtre jusqu’au lycée, puis j’ai arrêté en entrant à l’université. Quand j’ai quitté la fac, j’ai joué dans la rue avec un ami. Il n’y avait rien de sérieux, c’était pour rire un peu le vendredi soir, mais je me suis dit que le théâtre n’était pas qu’une simple passion mais une vocation. » 

Le passage en salle a été difficile, comme pour de nombreux comédiens qui quittent le spectacle de rue. « Je n’étais pas habitué, je ne voyais plus le public, il y avait moins de libertés », explique Hugo. La rue comme lieu idéal pour jouer avec son public. Ce dernier est éclairé par la lumière du jour, ses réactions sont visibles plus qu’audibles. « Dans la rue on joue toujours avec le public, un aparté par-ci, une petite blague par-là. Le spectacle n’est jamais figé, il change d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre. » Cependant, après avoir trouvé ses marques sur scène, Hugo s’est vu contraint de quitter les planches pour retourner dans les rues de Paris. La cause ? La fermeture des théâtres français à cause de l’épidémie de coronavirus. « La première en extérieur était étrange, comme si j’avais tout oublié. » Difficile pour le jeune comédien de se remettre dans le sens de la marche : « Nous nous sommes totalement arrêtés avec le premier confinement, c’était déjà dur de reprendre les répétitions. Alors une discipline différente comme le théâtre de rue, il m’a fallu un long temps d’adaptation. »

La pandémie et la fermeture des théâtres n’a pourtant pas gonflé les chiffres du théâtre de rue pour Hugo. « Il n’y a pas beaucoup plus de monde aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Peut-être quelques personnes qui s’arrêtent pour nous voir jouer en plus mais ce n’est pas flagrant. Au niveau des dons aussi, les gens ne nous soutiennent pas plus qu’avant, les parents donnent toujours une pièce à leur enfant pour qu’il puisse s’amuser à la lancer mais ça ne va pas plus loin. » Des comédiens pour le moins désabusés, qui ne perdent pas espoir pour autant : « Jouer est une passion. Même avec une seule personne pour me regarder, je ne m’arrêterai pas, donc on continuera à exercer notre art tant que nous le pourrons. »

Les amateurs se portent bien

Pour Joséphine, danseuse de capoeira à Rennes, la situation est différente : « Nous nous entraînions en salle. Malheureusement, c’est impossible aujourd’hui. Nous nous sommes alors dirigés vers de nouveaux espaces publics tels que les parcs. » Joséphine a découvert la rue et le regard des autres en commençant à pratiquer en extérieur. « Personne ne m’avait vraiment vu faire de capoeira avant, c’était une première, et les gens sont assez réceptifs donc c’est très agréable. »

La capoeira est un art martial brésilien issu des luttes africaines et amené en Amérique du Sud par les esclaves noirs africains. La discipline propose un mélange entre combat, acrobatie et danse dans lequel les jambes sont mises à contribution. « La capoeira reste un art martial très festif, on joue de la musique quand on répète nos mouvements. Forcément, ça attire les gens et ça les fait sourire. Voir quelqu’un se donner avec de la musique fait du bien aux gens en ce moment », reprend Joséphine.

« Je n’ai jamais fait de capoeira pour gagner ma vie. Mais maintenant avec des amis qui pratiquent également, il nous arrive de mettre un chapeau et de laisser les gens donner s’ils le souhaitent », développe Joséphine. Une pratique festive qui attire les passants. Ces derniers souhaitent revoir un peu de vie et de joie : « Les gens viennent nous parler, ils nous disent que ça leur fait du bien de voir des spectacles et de l’animation en extérieur. C’est comme si tout allait bien. »

La société dans son ensemble est marchande, le moyen de répondre à ses besoins et ses envies passe par la consommation . De fait, livrer une performance culturelle gratuitement est un acte rebelle. Cela montre l’ambition d’offrir sans attendre de retour. « La culture n’a pas de valeur, peu importe sa forme », explique Hugo avant de reprendre : « En jouant dehors, on montre à l’État qu’on ne s’arrêtera pas. Ils peuvent essayer d’asphyxier la culture, mais nous n’abandonnerons pas. »

« Les gens ont besoin de voir des spectacles de rue, c’est à nous de leur donner. La rue est comme la culture, elle appartient à tout le monde », estime Hugo. « Ils peuvent fermer les salles mais pas la rue », abonde Joséphine. Beaucoup d’artistes se sont réunis, notamment la semaine passée à Besançon où des étudiants en école de théâtre ont réalisé une procession à six heures du matin, pour symboliser l’enterrement du théâtre par le gouvernement.

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