Kings of Leon, le groupe qui a réalisé un album NFT. © Google Creative Commons

Xavier Bonnet est journaliste musical depuis de nombreuses années. Il est actuellement pigiste au magazine Rolling Stone, mais a tout connu avec le média porté sur la musique rock, notamment depuis la refonte du magazine en 2002. 

Interessé par le voyage et le sport, Xavier Bonnet est avant tout un journaliste passionné par la musique. Passé par la radio TSF avant même qu’elle ne devienne une radio jazz, il s’est ensuite reconverti dans la presse écrite, malgré son éternel amour pour le micro et son grand regret de l’avoir quitté. Il a donc dû s’adapter à ce changement de média, en prenant de nouvelles marques. A Rolling Stone, il a occupé de nombreux postes: rédacteur en chef, rédacteur en chef adjoint.

Il n’a plus aucune responsabilité au sein du média musical, mais il ne déplore pas sa situation actuelle, au contraire. Xavier Bonnet demeure très attaché à la relation qu’il peut avoir avec ses lecteurs, l’échange et le partage sont très importants pour lui. La version française du Rolling Stone US vit une période assez difficile depuis quelques années déjà, et il sait qu’il ne reste plus beaucoup d’échappatoire au magazine.


Depuis quelques années, le lectorat du Rolling Stone subit une sorte de vieillissement, ressentez-vous ce changement de période ?

Xavier Bonnet – Je ne saurais dire si c’est réellement le lectorat qui vieillit ou si c’est le fait qu’il soit trop conservateur. Dès la refonte du Rolling Stone en 2002, nous nous sommes intéressés au classique rock. Très rapidement, nous nous sommes rendus compte que des couvertures sur Jamel Debbouze ou sur Zazie par exemple, avaient beaucoup moins d’audience que des couvertures sur les Rolling Stones. J’avais fais une couverture de Yannick Noah, qui était très en vogue à l’époque en France. Mais le lectorat n’a pas apprécié. Si nous faisons des couverture sur Ben Harper, les Stones, ou Pink Floyd, les lecteurs apprécient. Le magazine ne s’est donc pas forcément orienté tout seul vers ce type de musique. C’est le lectorat qui a poussé cette orientation. 

Quand j’étais rédacteur en chef, je m’amusais à comparer le magazine au sélectionneur de l’Equipe de France : tout le monde a un avis dessus mais ce n’est pas le même. L’histoire de Rolling Stone fait que les lecteurs s’intéressaient plus aux interviews de célébrités, et surtout celles du classique rock. Chaque lecteur a sa propre relation avec le Rolling Stone, bien qu’elle soit souvent liée aux années 1970’. C’est pour cela que nous avons catalogué le magazine sur le thème du classique rock. Dans cette même période, je voyais le Rolling Stone US cartonner en gardant un thème très large, et en parlant de musiques de tout type, mais pas uniquement.

Nous ne pouvons actuellement pas prendre le risque de changer ce que nous faisons. Si nous nous trompons de public, ou que nous décevons nos lecteurs, le risque de tout perdre est trop important. D’autant plus dans le climat actuel ou la situation des magazines est très précaire. Le lectorat de magazine est très fragile et nous ne pouvons pas nous permettre de le perdre. Nous sommes bien évidemment frustrés d’avoir un lectorat très sélectif. Il y a des groupes dont je suis fan mais dont je ne me permets pas de parler car je sais qu’il n’y aurait pas d’intérêt. Le lectorat de Rolling Stone est extrêmement conservateur.

Le Rolling Stone entame-t-il donc dans une phase de transition ?

Le changement s’amorce avec la nouvelle génération, qui n’achète plus du tout de magazine print. Elle ne s’intéresse pas de savoir ce que les artistes qu’elle écoute peuvent avoir à dire, bien qu’une minorité aime écouter des interviews d’artistes. Mais ils ne suffisent pas à continuer de faire tourner un magazine. Il y a certes un lectorat jeune qui lit le Rolling Stone, mais cela reste une minorité. Les nouvelles générations qui vont au delà de la consommation immédiate, et du simple rapport « entertainment » de la musique qu’ils écoutent ne sont pas dominants. Certaines personnes se plaignent de cela, mais je n’arrête pas de penser que le problème vient peut-être de nous, qui n’évoluons pas, alors qu’eux si. 

Kings of Leon a sorti un album NFT, The Weekend a lui sorti un single, que pensez-vous des artistes qui se mettent à cette nouvelle mode ? La musique a-t-elle un avenir dans ce nouveau monde musical ?

Je sais comment fonctionne une œuvre NFT, mais je n’en vois absolument pas l’intérêt. Je ne sais pas si ma vieillesse joue un rôle, mais j’ai du mal à concevoir d’acheter quelque chose qui n’est pas tangible, pas matériel. Par exemple, l’album de Kings of Leon est déjà sorti en physique. Cela signifie que n’importe qui peut l’acheter ou même le pirater. La personne qui achète le NFT n’a donc finalement rien de plus que les autres. Pour moi, elle dépense simplement de l’argent pour avoir le sentiment d’obtenir quelque chose qui est virtuel. Surtout, cette personne n’a même pas les droits de la musique. Elle ne va pas toucher d’argent sur les ventes et les streams de l’album. A l’heure actuelle, je vois juste un moyen pour les artistes de gagner de l’argent dans une période où les ventes de disques sont moins nombreuses qu’auparavant, et que les concerts ne sont plus.

Des entreprises font énormément de bruit avec cette mode, et notamment aux Etats-Unis. Personnellement, si j’achète quelque chose, je souhaite forcément que cet objet soit à moi. Après, libre à moi de le partager ou non (rire), mais là dessus je ne comprends pas ce qu’ils achètent. A part l’égocentrisme de dire « je l’ai acheté », il n’y a aucun intérêt. C’est peut-être mon côté vieux collectionneur de disque qui parle.

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